mercredi, août 17, 2005

Jean-Edern Hallier, mon ami, n'était pas "fou à lier"

J'ai rencontré Jean-Edern par un beau jour de Mai 68 sur le Boulevard St-Michel. Il vendait à la criée l'Idiot international. Je savais qu'il était d'origine bretonne, et je fus donc heureux de faire sa connaissance. On s'est revu de temps à autre, à chaque fois à l'occasion d'un "événement", ou c'est lui qui m'appelait, ou c'est moi (le plus souvent). Nous n'étions pas sur la même longueur d'ondes, et pourtant on s'appréciait mutuellement. Son "alter ego", Omar Foitih, peut en témoigner. (O. Foitih travaille aujourd'hui à la télé (Paris Première, je crois). Par deux fois, Jean-Edern a sollicité mes "services". Il avait pour moi le plus grand respect (je sais même qu'il m'admirait : il disait que j'étais un "pur" !). Il connut une grande excitation lorsqu'il décida de partir en guerre contre le Goncourt. A cette fin, il créa un anti-Goncourt, et remit solennellement le Prix à Jack Thieuloy pour un roman qui s'appelait "la Geste de l'employé". Mais il voulait frapper plus fort; aussi préparait-il un "coup" devant le restaurant Drouant le jour de la remise du Prix Goncourt. Je fus très surpris de l'entendre au téléphone me demander d'intervenir auprès du syndicat du livre (cgt) pour que celui-ci participe à une manifestation devant le restaurant avec les ouvriers de l'imprimerie du Parisien Libéré que ceux-ci occupaient depuis des mois (ils étaient en guerre contre Emilien Amaury, le pdg du journal qui avait décidé de faire imprimer son journal en région parisienne en projetant de "sortir" des NMPP). "S'ils acceptent, me dit Jean-Edern, je leur garantis un passage en direct à la télévision au journal de 13h où ils pourront exposer leurs revendications... Est-ce que tu peux les convaincre qu'une occasion exceptionnelle s'offre à eux ?" - Mais Jean-Edern, lui dis-je, tu oublies que je suis à la CFDT ! - Tu as un formidable prestige dans l'édition et la presse depuis ton combat contre Hachette, ils vont t'écouter... Pour lui faire plaisir, j'allai voir le secrétaire du CE des NMPP, rue Réaumur, et je fus surpris par l'accueil amical et "intéressé". Pour le syndicat du Livre, la bataille du Parisien était cruciale, mais ma démarche resta sans effet. Pourtant, les ouvriers du Livre ne répugnaient pas à faire des "coups" spectaculaires. Je pense qu'ils se méfiaient un peu de Jean-Edern - par trop indépendant, et sans doute n'ont-ils pas apprécié être "utilisés" somme toute pour une affaire qui ne les concernait pas : le prix Goncourt.
C'est à cette occasion que j'ai découvert Jack Thieuloy, un étrange individu, ancien baroudeur et ancien d'Indochine, lauréat du premier Prix Anti-Goncourt décerné par Jean-Edern, passé maître dans l'art d'utiliser les comparses de passage. Avec sa guenon chichi, Thieuloy (je ne porte pas de jugement sur son talent d'écrivain) se révélait disponible pour toutes sortes de coups. Il avait pris l'habitude de se servir gratuitement dans le Monoprix de son quartier; tout comme chichi, il se nourrissait à l'oeil ! (D'autres, en ce temps-là effectuaient des razzias chez Fauchon, à la Madeleine !). A coup sûr, entre Thieuloy et Jean-Edern il y avait tout un monde, et cela devait arriver : Thieuloy prit Jean-Edern en grippe, et lui fit un procès parce que le chèque de 5.000 frs du Prix Anti-Goncourt était en bois ! "Tu te rends compte, me dit Jean-Edern rencontré devant le Palais de Justice (où il venait souvent pour des procès en tous genres) il me traîne en justice alors qu'il était convenu que ce chèque était bidon, il était d'accord ! C'est incroyable..." (à suivre)

2 commentaires:

Yves-André Samère a dit…

"Il me traîne en justice alors qu'il était convenu que ce chèque était bidon, il était d'accord".

Nuançons : Hallier ne lui versait aucun droit d'auteur. Pour se venger, Thieuloy a présenté à l'encaissement le fameux chèque. C'est lui qui me l'a raconté.

Yves-André Samère a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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