samedi, avril 12, 2008

L'ERREUR DE DE GAULLE

En 1968, pendant le mois de mai, on rencontrait pratiquement tout le monde dans la rue, surtout dans le Quartier Latin. C'est ainsi qu'un soir, je me suis retrouvé nez à nez avec René Capitant, gaulliste de gauche, un des leaders de l'UDT (Union démocratique du Travail), gaulliste historique. Il était député du 5e arrdt, et sortait de la Mairie, Place du Panthéon. Nous nous étions rencontrés plusieurs fois, l'année précédente à Combat, dont le rédacteur en chef était alors Philippe Tesson. J'avais conçu le projet de me présenter aux élections législatives chez moi à Hennebont, avec Jean-Claude Kerbourc'h, qui était journaliste à Combat, et qui, lui, voulait candidater à Quimper. Ne pouvait-on pas faire bloc ? (Il a écrit un livre sur Mai "le piéton de Mai"). J'en avais parlé à René Capitant, qui m'encouragea ! "Je connais bien Hennebont, me dit-il, ça sera amusant, car le député en place, le bon catho centriste Ihuel, est indéboulonnable, comme vous le savez ! Mais ça serait drôle !" René Capitant avait beaucoup d'humour. "Allez-voir Louis Vallon, c'est lui qui s'occupe de "nos" candidatures". Vallon et Capitant étaient inséparables. Gaullistes de gauche, ils n'arrêtaient pas de "flinguer" Pompidou qu'ils détestaient, autant que moi, sinon plus ! Je rendais Pompidou responsable de la situation. Son conservatisme, et surtout le fait qu'il fut autrefois "le gérant de la banque Rothschild" avait permis au parti communiste d'accréditer parmi les travailleurs l'idée que "de Gaulle était l'homme des Rothschild". Et c'était, bien sûr, dommageable, pour de Gaulle ! C'est ce que j'expliquais à chaque fois que j'avais l'occasion de rencontrer René Capitant, ou Maurice Clavel (également gaulliste de gauche) à Combat. J'étais donc allé voir Louis Vallon qui me répondit "Comme vous le savez, nous ne sommes pas en odeur de sainteté à Matignon ! Mais vous pouvez tenter votre chance auprès de Pierre Lelong, qui est député du Finistère, et chargé des candidatures à Matignon ". J'en avais discuté avec Marcel Beaufrère, à l'AFP. Ancien déporté, et ancien trotskiste, Beaufrère, journaliste chargé du secteur social, sympathisait avec les "gaullistes de gauche". Il m'assura que je n'avais aucune chance, les pompidoliens étant particulièrement remontés contre le tandem Vallon-Capitant. (Celui-ci fut soupçonné, en 1968, d'être à l'origine de "l'ignoble campagne menée contre Pompidou", cette fameuse "affaire Markovic", illustrée par des "photos-montage" impliquant Mme Pompidou). Je suis quand même allé voir Pierre Lelong à Matignon, et celui-ci ne m'a pas caché que nous étions "plusieurs" candidats pour Hennebont ! Je n'ai pas insisté... Mais ce soir-là, Place du Panthéon, je dis à Capitant :" Vous voyez, Pompidou..." Il ne me laissa pas poursuivre, connaissant mes sentiments :" Rassurez-vous, me lança-t-il presque en jubilant, le Général va s'en débarrasser !"
Certes, il s'en est débarrassé, mais trop tard ! Il aurait dû le faire en 1967, au lendemain des législatives du mois de mars, sa majorité ne tenant plus qu'à un fil au Palais-Bourbon, grâce aux voix (et aux quelques sièges de l'outre-mer !), l'électorat d'extrême-droite ayant voté au second tour pour les candidats de l'opposition socialiste. Laissant présager ainsi la coalition de toutes les oppositions anti-gaullistes en Mai 68. Aurait-on évité Mai 68 si de Gaulle avait changé de Premier Ministre en 1967, en choisissant une personnalité plus "sociale" ? Un Robert Boulin, ou un Edgard Pisani par exemple ? Difficile à dire, lorsqu'on sait que les deux "puissances" adverses de de Gaulle avaient, elles aussi, rendez-vous avec l'histoire. Car c'est bien l'homme que l'on voulait abattre !

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