mardi, décembre 06, 2011

HENNEBONT-PARIS (9)

Lorsqu'on apprit que Guy Mollet, le chef du parti socialiste SFIO, avec le soutien du parti, devenait Président du Conseil, il y eut des remous dans les cellules, tant à l'usine que dans le quartier ! Pour les "communistes", les "socialistes" étaient des "social-traitres", des "collabos" de la bourgeoisie et du patronat ! Cette hostilité remontait bien sûr à 1920, au Congrès de Tours, au schisme dans le mouvement ouvrier, et depuis la Libération, à un autre schisme, la fracture syndicale FO-CGT, financée par les puissants syndicats américains et la CIA. Mais dans la cellule du quartier, la désapprobation fut également vive, du fait que les camarades juifs ne cachaient plus leur préférence pour PMF...
A la SNECMA, Bernard Jourd'hui me proposa de participer à une "école fédérale" du parti, car, disait-il, il avait apprécié mon action, et  notamment cette lettre à Mendès France... Je pris donc 15 jours de congé pour assister à ce stage qui se tenait dans le 20e arrondissement. C'est au cours de cette école, dirigée par un certain Mialet, je crois (c'était un conseiller municipal de Paris, permanent du parti bien entendu) que nous apprîmes que, dans la nuit, le parti avait voté les "pleins pouvoirs" à Mollet-Lacoste qui demandaient le "rappel du contingent" pour intensifier la guerre en Algérie ! Nous étions abasourdis, et Mialet dut se décarcasser pour répondre aux nombreuses questions, dont les miennes !, qui s'exprimaient à toutes les tables (nous étions  vraiment assis à des pupitres, comme à l'école !). Pauvre prof, accablé par ses élèves ! Mais, c'est lorsque des cheminots, arrivant en retard, s'expliquèrent avant de s'asseoir : "Excusez-nous pour ce retard, nous avons voulu passer à la gare, voir comment les camarades réagissaient (je crois qu'il s'agissait de la Gare de l'Est)... Ils désapprouvent le vote de cette nuit ! Et on a eu du mal à le justifier !" que nous prîmes conscience que notre malaise était partagé. Alors, Mialet, nous dévisageant tous, haussa le ton, et sans doute était-il passé à la Fédé avant de venir  pour affûter les "arguments" que le Parti allait devoir opposer à une base qu'elle devinait récalcitrante, il nous débita un discours magistral  : " Camarades ! Il faut savoir réaliser un compromis. Car il s'agit d'un compromis... Lénine, lui-même, a réalisé des compromis ! Le compromis n'est pas une compromission ! Quelle que soit notre opinion sur le parti socialiste, c'est avec lui qu'il faut réaliser l'unité de la classe ouvrière. Ce sont les deux partis ouvriers ! L'ennemi de classe aurait bien aimé que nous nous divisions ! Nous avons déjoué les manoeuvres de la droite... Et comme nous avions l'air plutôt sceptique, Mialet nous décocha un ultime argument-massue :" Maurice lui-même est intervenu devant le groupe parlementaire qui était divisé. C'est son intervention qui a convaincu le groupe qui a finalement voté pour à l'unanimité" ! (à suivre)

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